De Charia Hebdo à Golgota Picnic: la laïcité menacée

Publié le par Yohan DRIAN

Les majorités socialistes du Conseil Régional des Pays de la Loire et de la Ville de Nantes ont toutes deux refusé de formuler un vœu de défense de la laïcité, estimant ne pas avoir à donner des preuves de leurs convictions laïques. Ces refus répétés permettent toutefois un doute légitime sur ce point, d’autant que loin d’être un vœu pieu, la défense de la laïcité est une nécessité, au regard des derniers évènements concernant l’attentat contre Charlie Hebdo, les velléités de censure par des groupuscules chrétiens intégristes d’œuvres artistiques et dans les pays arabes, les victoires d’islamistes pseudo modérés ou non lors des élections suivant les révolutions arabes.

La sortie du numéro de Charlie Hebdo en date du 2 novembre, représentant Mahomet et rebaptisé « Charia Hebdo », a été l’occasion de nouveaux appels à la haine et à la violence (site du journal hacké par des réseaux islamistes, messages de menaces en cascade visant à remettre en cause le droit au blasphème…). Ce 2 novembre dernier, l’incendie criminel des locaux de Charlie Hebdo montrent qu’un palier a été franchi. Cet acte, qui n’est pas sans rappeler les sinistres autodafés, vise à faire taire un hebdomadaire au ton incisif et provocateur.

« Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Romeo Castellucci , une pièce de théâtre donnée en Avignon, puis à Paris, au Théâtre de la Ville et au Studio 104 est l’objet de manifestations parfois violentes de la part de groupes chrétiens intégristes. Cette même pièce de théâtre est pourtant donnée ailleurs en Europe sans qu’aucun incident ne soit relevé.

« Golgota Picnic » cristallise aussi certaines tensions au Théâtre Garonne de Toulouse. L’Institut Civitas et des groupuscules chrétiens intégristes entendent manifester pour censurer cette pièce.

La France, pays de la tolérance

Nous sommes pourtant le pays de la tolérance : n’oublions pas l’Edit de Nantes qui mit fin aux guerres de religions, n’oublions pas le combat de Voltaire défendant Callas, n’oublions pas Zola qui soutint dans l’Aurore le capitaine Dreyfus, victime de l’antisémitisme.

Nous sommes le pays de la tolérance et pourtant, nous constatons régulièrement de graves atteintes à la liberté d’expression, de conscience, de croire ou de ne pas croire. Certains intellectuels ont sacralisé la fin des idéologies et des dogmes, tout porte à croire qu’ils se soient trompés.

Un droit au blasphème

Nous sommes dans une république qui garantie les libertés et droits fondamentaux. En théorie, nous ne devrions pas dénoncer quelconque  manifestation : il s’agit bien de liberté d’expression. Le problème vient plutôt de la récurrence de ces manifestations et de leur objet même, clairement anti-républicain. Rappelons aussi que la liberté d’expression permet l’exercice d’un droit absolu au blasphème, c’est-à-dire le droit de critiquer les dogmes sacrés. Si ces dogmes devaient régler la vie sociale, l’espace de la libre discussion démocratique, le vivre ensemble serait tout bonnement irréalisable.

La France est un pays de tolérance et de liberté qui ne saurait se passer de la laïcité, c’est-à-dire de neutralité en matière de religion. La loi républicaine s’impose à toutes et à tous.  Nul ne peut pas se faire justice soi-même . Les interdits que certaines personnes s’imposent par conviction religieuse (comme par exemple ne pas caricaturer ou représenter Mahomet) ne s’imposent qu’à ces personnes et en aucune manière à l’ensemble notre société républicaine.

Pour que la République prenne tout son sens…

Les radicaux de gauche dont je fait partie entendent défendre par leurs actions les principes de tolérance et de laïcité que nous a légués notre Histoire et qui se reflètent dans notre devise républicaine, Liberté – Égalité – Fraternité. Nous soutenons l’hebdomadaire Charlie Hebdo qui fait partie du paysage médiatique et culturel de notre nation et défendons les Arts quels qu’ils soient, car c’est grâce à la création et à l’ouverture au monde que l’idée républicaine prend tout son sens et peut prétendre à l’universalisme.

A l’heure où les peuples des pays arabes réclament la fin des dictatures et l’instauration de véritables régimes démocratiques, désirs détournés et spoliés par des partis islamistes, il convient de montrer l’exemple et de réaffirmer nos principes issus de la philosophie des Lumières.

Alexandre Mazzorana-Kremer:
- Vice-président de Nantes Métropole délégué aux technologies de l'information et de la communication, Innovation et transferts technologiques,
- Conseiller municipal de la ville de Nantes délégué délégué aux nouvelles technologies et l'e-administration
- Secrétaire national du Parti Radical de Gauche

Publié dans Laïcité & Religions

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